samedi 8 janvier 2011

Aticle du Sud Ouest du 07.01.2011

Ils risquent l'expulsion

La CUB, qui veut construire un centre technique rue du Moulineau, est confrontée à la résistance de gens du voyage sédentarisés. L'affaire est devant la justice.

 Portos Metbach (à droite) et son fils Henri : « Nous n'avons rien demandé ».  photo C.M.

Portos Metbach (à droite) et son fils Henri : « Nous n'avons rien demandé ». photo C.M.

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«Si on nous met dehors où irons-nous ? Sur la place des Quinconces ? ». Le « patriarche » évangéliste Portos Metbach ne décolère pas. Cet homme de 84 ans, président fondateur de l'Association nationale d'aide aux gens du voyage (ANGV) et père de « 17 enfants », a du mal à accepter la décision d'expropriation qui touche sa famille installée rue du Moulineau, à deux pas de l'avenue Jean-Mermoz.

C'est là, en effet, sur les communes d'Eysines et du Haillan, que la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) doit construire, dès cette année, son troisième centre administratif et des garages, destinés principalement à accueillir les bennes des camions chargés de récolter les ordures ménagères sur le cadran nord-ouest de l'agglomération. Le site s'étendra sur 4,5 hectares et accueillera 250 agents.

Relogement

L'affaire, compliquée, est devant la justice depuis plusieurs mois. La décision d'exproprier est acquise. Mais les deux parties doivent se retrouver le 20 janvier à Bordeaux, en appel, devant le juge des expropriations pour savoir si l'expulsion de « l'indivision Metbach-Bauer » sera autorisée ou non.

Le litige porte à présent sur le relogement. Il s'agit de déterminer si ces personnes appartenant à la communauté des gens du voyage sédentarisés ont demandé à être relogées. S'il est prouvé que cette demande a bien été faite, la CUB devra faire des propositions. Si le contraire est avéré, les occupants pourront être expulsés et la CUB sera autorisée à recourir à la force publique.

Pour l'heure, chacun campe sur ses positions. Michel Vayssié, directeur général adjoint en charge de l'administration à la Communauté urbaine, est formel : « Nous n'avons reçu aucune demande de relogement de la part des occupants. Le montant des indemnités allouées atteste d'ailleurs qu'ils ne sont pas relogés ».

De leur côté, les avocats des familles concernées, Me Sylvain Galinat, de Bordeaux, et Me Gwénola Brand, de Lyon, assurent que « la CUB n'a pas respecté ses obligations en la matière ». Me Galinat insiste aussi sur les implications « sociales et humaines » de cette expropriation qui concerne des gens « installés sur ce terrain » depuis cinquante ans. « Un véritable déracinement », plaide l'avocat.

Six parcelles sont en cause pour une surface totale légèrement inférieure à deux hectares selon la CUB. Un peu plus selon les occupants. Par ailleurs, Portos Metbach affirme « qu'environ 300 personnes » sont touchées par cette expropriation. Mais Michel Vayssié assure, pour sa part, qu'une trentaine de noms seulement apparaissent sur les documents officiels qui sont en sa possession. Il se demande si d'autres personnes ne sont pas venues occuper le site depuis que l'affaire est en cours. « Il y a plusieurs propriétaires et encore plus de familles concernées », rétorque Me Galinat.

Recours à la force publique ?

« Nous faisons l'objet d'une expropriation de tous nos biens dont nous sommes propriétaires depuis 1957 et ces biens comportent des terrains, des habitations ainsi que des locaux industriels que nous louons à des entreprises, souligne Portos Metbach. Toutes nos constructions ont été réalisées avec l'appui des maires de l'époque. Des enfants malades ou en bas âge se trouvent parmi nous, ainsi que des personnes très âgées. »

Sur place, en effet, les bâtiments en dur voisinent avec les caravanes et les chalets en bois. Les enfants courent sous les grands chênes et personne ne veut partir. Selon les occupants, 18 entreprises sont domiciliées sur le site, principalement des artisans.

La CUB se dit néanmoins déterminée à réaliser son projet fondé sur la notion d'utilité publique. Mais le recours à la force dans le cadre d'une expulsion spectaculaire à la fin de la saison hivernale n'est souhaité par personne. « Nous attendons la décision de la justice. Ensuite, nous prendrons contact avec les avocats des occupants pour trouver une solution », confiait avant-hier Michel Vayssié.

Affaire à suivre...